Ebèniste samouraï ou devrais-je dire RONIN des bois

Les ébénistes japonais utilisent des outils extraordinaires, des scies, ciseaux ,bedanes , gouges, rifloirs et couteaux d'une finesse toute particulière.
Voici un article sur l'art, la manière et les instruments du pays du soleil levant.

Quand on aime le bois massif et que l'on tente de résister à la vague des agglomérés, que l'on apprécie les meubles anciens mais aussi les éléments de construction laissés par nos ancêtres, on se doit d'employer les outils qui respectent notre art et notre éthique.
Convaincu par une première scie offerte lors d'un de mes anniversaires par un pair ébèniste passionné par les arts du japon. 

Alors que j'étais employé chez un maitre ébèniste de renom ici en Provence, je rencontrai un autre apprenti .
Tous deux passionnés et plein d'ambition et d'espoir dans notre voix d'ébèniste , nous échangions après les  journées de travail nos techniques et enseignements de nos écoles d'origines respectives, nos projets et rêves d'artistes.
Comparant nos caisses à outils, moi avec les ciseaux de mon aieul (des aciers français très résistants mais dur à l'affûtage) et mon nouvel ami , d'extraordinaires scies brillantes, minces comme du papier. sortes d'égoïnes à denture très fine, à lames souples comme des ressorts, emmanchées à d'interminables poignées.

Je fut immédiatement séduit par ces scies japonaises et la manière de s'en servir, "c'était le genre d'outil que je cherchais". Ces instruments, il faut le dire, ont des propriétés proprement stupéfiantes.
Très minces, légers, ils possèdent des dentures fines, peu avoyées mais affûtées comme des rasoirs. ils assurent une coupe d'une grande netteté, sans requérir effort et crispation de la part de l'artisan

Les scies japonaises sont réputées pour leur grande efficacité tout en permettant à l'utilisateur de garder une maîtrise parfaite de son travail. Leur particularité est de couper en tirant. Ainsi la lame peut être beaucoup plus mince (jusqu'à 0,2mm) avec une denture spécifique à très faible voie. Le mordant du sciage s'opérant au mouvement de tiré, la lame est donc en tension et il devient alors très aisé de suivre un trait avec beaucoup de précision et ce, sans jamais dévier de sa trajectoire. De plus, grâce à une denture très agressive, le sciage s'effectue sans effort, en douceur, et le trait de scie est extrêmement plus fin que celui obtenu avec une scie traditionnelle (occidentale).

Ex: découper des queues d'aronde en n'enlevant pas plus de bois que l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette ou greffer  un trait de jupiter avec une précision parfaite.

La scie japonaise se tient à deux mains et ne coupe que dans un sens, lorsqu'on la tire.
C'est très curieux à utiliser mais très ergonomique et très convaincant pour refendre ou tronçonner bois durs, bois blancs, panneaux, matières synthétiques.

UN PEU D'HISTOIRE:

Les Japonais sont passés maîtres dans la manufacture d'aciers de qualité supérieure et dans l'art de la coutellerie. Jusqu'à la fin du siècle passé, une importante corporation de maîtres forgerons fabriquaient les armes traditionnelles des samouraïs.
La disparition de ces guerriers les contraignit à se "recycler" et certains se tournèrent vers la production d'outils artisanaux.

Il y a 50 ans, il sembla que la connaissance de la fabrication traditionnelle du sabre japonais allait disparaître. Sous l'occupation Américaine, du fait de sa forte symbolique guerrière, il était interdit d'en porter comme d'en fabriquer. Les forgerons durent changer de métier et ils abandonnèrent leurs ateliers et les siècles de savoir accumulés. Pour la première dans l'histoire du Japon, toute production cessa.

    Heureusement en 1953, après le départ des Américains, la prohibition des sabres fut levée, et quelques artisans de ce que l'on appelait « la génération perdue des forgerons » se remirent au travail.

    De nouveaux apprentis furent formés et, actuellement, leur art est aussi abouti que celui de leurs prédécesseurs de ces derniers siècles.
Aujourd'hui, des maîtres réputés produisent ainsi des ciseaux, gouges et bédanes pour le travail du bois, pièces magnifiquement terminées, à base d'aciers à grain très fin, même en damas (feuilletages d'aciers forgés).
Ce sont là aussi des outils dont les performances surpassent celles de la majeure partie de l'assortiment occidental actuel.

Esthétiques et efficaces

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Avec la raréfaction des forgerons, il est devenu pratiquement impossible de trouver chez nous des outils manuels de coupe de très haute qualité comme savaient en forger les artisans de haute volée spécialisés.
 J'utilise par exemple encore de très vieux ciseaux à bois de mon arrière grand-père mais qui n'a plus aujourd'hui d'équivalent dans les quincailleries, qui s'approvisionnent toutes auprès des mêmes industriels.

Ce n'est pas une affaire de nostalgie mais d'efficacité. Mon atelier est d'ailleurs doté
d' outillage  contemporain. 
Mais certains travaux de rénovation ou de sculpture nécessitent des outils que l'offre actuelle ne couvre plus , (rabot à griffe, rabot rond,racloirs,scie à cheviller, etc...).
C'est une notion difficile à expliciter mais que les artisans attachés à l'extrême perfection peuvent aisément comprendre, qui cherchent dans les outils un prolongement quasiment organique pour leurs mains.
 Les nombreux ébénistes et sculpteurs traditionnels japonais continuent de cultiver et de se transmettre ce type de savoir-faire qui confine à la philosophie, comme moyen d'approcher à une sorte de perfection.

Aciers sélectionnés

Ils parlent de zen, nous pourrions évoquer une quête de " beauté absolue ". Cette beauté, peut se découvrir aussi chez des fabricants américains d'outils à bois et notamment d'étonnants rabots et instruments de mesure. 
 Ils s'agit de constructeurs industriels mais qui continuent à mettre en œuvre des aciers sélectionnés, notamment pour les fers , ils offrent une variété extraordinaire de rabots spéciaux, de curieuses équerres, de trusquins et de règles spéciales. L'originalité, l'efficacité et la beauté de ces instruments sont d'autant plus séduisantes que leurs prix, comparés à ceux d'outils professionnels standards ne sont pas exorbitants. Hommes de métier ou amateurs éclairés y retrouvent leurs billes, un vrai plaisir pour la main et les yeux.